La Tunisie face au défi de la numérisation de la santé : entre opportunités et obstacles

Le secteur de la santé et la disponibilité en nombre suffisant de compétences et de cadres médicaux et paramédicaux dans toutes les institutions sanitaires représentent un défi mondial, y compris pour la Tunisie. Au cours des dernières années, le pays a connu une pénurie significative de médecins spécialistes, touchant toutes les régions, notamment les zones intérieures, en raison de l’émigration massive de compétences tunisiennes à l’étranger.

La problématique du manque de cadres médicaux a été particulièrement mise en lumière durant la pandémie de COVID-19, où le monde entier a été confronté à un virus mortel ayant causé de nombreuses pertes humaines et entraîné un effondrement quasi total des systèmes de santé dans plusieurs pays.

Il est à noter qu’à la suite de la pandémie, l’idée de la télémédecine et de la numérisation de la santé a émergé dans plusieurs pays, bien que ces concepts aient été envisagés et discutés avant l’épidémie. Cependant, ils se sont renforcés après la crise sanitaire.

Plusieurs pays avancés, à l’instar de la France, ont récemment annoncé la création de centres en zones rurales équipés des technologies nécessaires et de l’internet à des fins de télémédecine.

Qu’en est-il de la Tunisie ?

Aziz El Matri, président de l’Association Tunisienne de Télémédecine et de Santé Numérique, a déclaré au site “TuniBusiness” que l’association, créée en 2002, avait déjà proposé l’idée de la numérisation dans le secteur de la santé afin de rendre les services de santé accessibles à tous les Tunisiens. Cependant, cette orientation se heurte aujourd’hui à plusieurs obstacles, principalement l’absence de textes législatifs. Il appelle à une accélération de la publication des textes d’application de la loi régissant la santé numérique, promulguée depuis 2018.

Il a expliqué que la Tunisie était pionnière dans ce domaine, mais que le rythme de progression du projet de numérisation de la santé n’était pas à la hauteur des attentes. Selon lui, la numérisation est la meilleure solution pour garantir le droit à la santé pour tous.

Il a souligné l’absence de plan et de stratégie clairs et définis en relation avec cette orientation, tout en saluant le succès de l’expérience numérique concernant les vaccinations contre le COVID-19.

Expériences limitées et obstacles financiers

Il a également mentionné des tentatives limitées dans certains hôpitaux et spécialités qui ont prouvé leur succès, comme l’expérience à l’hôpital de Gafsa, où un scanner a été installé en l’absence d’un médecin spécialiste. Un technicien réalisait l’opération et envoyait les données à un médecin à Tunis, une expérience qui s’est avérée réussie, selon lui.

Cependant, il a affirmé que ces expériences, bien que couronnées de succès, ne sont pas pérennes en raison de la lenteur des procédures relatives aux appels d’offres pour l’acquisition des équipements nécessaires.

Problèmes d’infrastructure et de connectivité

L’ingénieure en télécommunications Khadija Hamouda Ghrayani a déclaré à “TuniBusiness” que la numérisation de la santé réduirait le désert médical, soulignant qu’il existe des solutions techniques permettant de lancer la télémédecine en attendant la mise en place de la 5G.

Elle a insisté sur le fait que la couverture par le réseau internet est insuffisante, notamment dans les zones intérieures et rurales.

Elle a indiqué que les centres de télémédecine sont une option envisageable et pourraient être mis en place dans les centres de santé de base en partenariat entre le ministère de la Santé et les entreprises de télécommunications, précisant que cette expérience est déjà adoptée en France dans les zones rurales pour lutter contre le désert médical.

Intelligence artificielle et santé

La Dr Lamia Khallel, membre de l’Ordre des ingénieurs, a affirmé à “TuniBusiness” que l’intelligence artificielle est une réalité présente dans tous les domaines aujourd’hui, y compris la médecine. Elle a souligné que les technologies modernes aident les médecins dans leur travail grâce à la télémédecine, au diagnostic et à la conservation des données, entre autres.

Elle a insisté sur le fait que l’utilisation de l’intelligence artificielle et des technologies modernes pourrait également avoir des aspects négatifs dans le domaine médical, notamment en menaçant l’autonomie des médecins et en posant des problèmes de sécurité liés à ces technologies.

Elle a conclu en affirmant que la Tunisie doit suivre l’évolution mondiale en promulguant des lois organisant ce domaine et en fournissant les technologies et les infrastructures nécessaires pour utiliser ces technologies dans les institutions de santé tunisiennes.

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